I messaghji d'Edmond Simeoni

Università 40 anni !

L’Università di Corsica qui fête ses 40 ans cette année a donné le nom d’Edmond Simeoni à son Bâtiment dédié aux Sciences Humaines et Sociales en 2019 et c’est un bel hommage. Il était un ardent défenseur de sa réouverture puis de son développement, et s’il était en vie, il aurait sûrement salué avec fierté cet anniversaire. Voici ce qu’il écrivait en novembre 2017 témoignant des luttes qu’il a fallu mener pour parvenir à cette réouverture.

 

« Quand, au début des années soixante, nous-mêmes, à Marseille et des étudiants corses à Paris avons parlé d’Université en Corse, cela a été reçu avec stupeur et consternation pour certains, amusement par d’autres ou encore incrédulité. Travail forcené de conviction, à travers Arritti – dès 1966  – ; multiplication de réunions dans l’île et dans la diaspora. Mais la chape de plomb était telle, l’aliénation si profonde que nous n’arrivions pas à faire partager ce qui était un rêve et même pour d’autres une utopie dangereuse !!

Je me souviens d’une réunion à la Mutualité en 1968 où Nicolas Alfonsi nous avait gentiment brocardés ; d’une autre, in Vicu, où une institutrice, sévère et de bonne foi, nous avait réprimandés sur notre inconséquence et de cent autres anecdotes !! Mais la lutte en Corse se durcissait et Jean Jacques Albertini et son épouse, militants à Montpellier, créaient avec l’aide de Fernand Ettori, l’Université d’été, in Corti, qui cristallisait la soif d’émancipation et commençait à incarner une potentialité qui restait toujours improbable. C’est l’époque où le conservatisme corse, le plus réactionnaire, celui des clans de droite et de gauche, s’appuyant sur un État hostile – il avait créé partout des établissements d’enseignement supérieur, sauf en Corse –, colportaient des inepties. Le procès était sommaire : « Nous voulions étudier la culture des chèvres ou des algues marines ; nous étions trop ignorants pour savoir ce qu’était une Université » ; ils proposaient même un chemin différent et stupide : créer à Nice un bâtiment spécifique pour les étudiants corses !!! Un ghetto en somme, d’enfermement.

 

La lutte révélait les vrais desseins des protagonistes :

– la France qui avait enterré l’Histoire de la Corse, craignait cette résurgence, la révélation et l’étude des conditions de la fermeture de l’Université de Pasquale Paoli, après la défaite de Ponte Novu en 1769 ; elle craignait surtout l’exhumation de la répression féroce jusqu’à 1812, puis la francisation forcenée dès 1850. Mais par-dessus tout, elle craignait que l’éducation et la connaissance ne viennent grossir le flot d’une contestation vigoureuse ; contestation que nous entretenions dans les universités continentales, à Grenoble, à Montpellier et surtout à Marseille et à Nice où se trouvaient de forts contingents d’étudiants corses que nous avions mobilisés, dès 1960, lors de la protestation insulaire contre les expérimentations nucléaires à l’Argentella, près de Calvi.

– Nous les autonomistes, – soutenus par des forces vives que nous rassemblions dans les États Généraux de la Corse qui demandaient un statut d’autonomie de gestion –, exigions la création d’une Université en Corse pour des raisons strictement inverses ; nous voulions connaître notre histoire, celle de la conquête française et surtout nous voulions former des jeunes pour émanciper le peuple corse et construire la nation.

 

On comprend mieux aujourd’hui la dureté du conflit et les lourds enjeux de l’époque, l’immense joie qui fut la nôtre quand l’État a dû concéder, sous la pression des luttes populaires, alors élargies, la réouverture de l’Università Pasquale Paoli.

Quand je me remémore mon inscription au Palazzu Naziunale en 1982 après une sévère maladie, pour un DEA consacré à « la liturgie dans la Pieve de Niolu », on imagine mal mon émotion de voir se concrétiser un rêve, chimérique initialement et prometteur pour l’avenir.

Quand nous avons la chance, avec tous nos compagnons de lutte et toutes les forces de progrès qui ont apporté leur contribution à sa renaissance, de voir l’Université fonctionner aujourd’hui, former des jeunes, s’ouvrir à la connaissance et au monde, accueillir des étudiants étrangers, on mesure le chemin parcouru en plus de cinquante ans tandis que simultanément les forces de l’émancipation nationale se sont imposées démocratiquement à Bastia, à la CTC, et ont gagné trois sièges sur quatre aux élections législatives de 2017.

A lotta hè ricchezza. A strada hè aparta. Basta à travaglià per arradicà è custruì u nostru Paese. » •